Conservation et restauration écologique

Planter des arbres étant à la mode, et le sera encore davantage dans les prochaines années, il convient de bien connaître les espèces autochtones. Il s’agit en substance de celles qui poussent de manière naturelle (sans intervention intentionnelle ou accidentelle de l’homme) en un lieu donné. Cela paraît très simple, mais la situation se complique si la végétation de ce lieu a été largement dévastée depuis longtemps et ne permet plus d’entrevoir directement la nature de la végétation originelle. Dans de tels cas, lorsqu’il ne reste que peu de vestiges de la végétation naturelle, voire aucun, ou si celle qui est observée suscite des doutes quant à son caractère naturel, il est possible de faire appel à des spécialistes en botanique, biogéographie, géobotanique, etc. de l’université la plus proche. Il peut être également utile d’interroger les anciens de la région, avec cependant le risque que ces derniers, bien qu’animés par les meilleures intentions, puissent fournir des informations erronées. Il convient d’adopter systématiquement une vision historique, sur des milliers d’années, en conjuguant les connaissances historiques avec de bonnes connaissances biogéographiques. Lorsque nos grands-parents sont nés, il existait déjà de nombreuses espèces exotiques envahissantes sur le terrain (eucalyptus, agaves, opuntias, etc.), et ils nous diront donc parfois que ce sont des espèces locales, qui ont toujours été là.

Grupo de Plantas Exóticas

Vaste groupe de plantes exotiques (certaines envahissantes) dans les parcs, rues et ronds-points d’un petit village du Sinaï, une des zones présentant la plus grande richesse biologique du bassin méditerranéen. Il est aujourd’hui temps de remplacer toutes ces plantes par des arbres et arbustes autochtones du cru, certains d’une grande beauté et menacés d’extinction. En plus de contribuer à freiner l’expansion des espèces exotiques, cela donnera aux espaces publics un intérêt et une beauté qui seront appréciés aussi bien par la population locale que les visiteurs. Des images comme celle-ci se répètent malheureusement dans toute la géographie des pays méditerranéens. Helios Sainz.


Exceso de Recolección Leña y Madera

L’excès de collecte et de coupe de bois de chauffage ainsi que le surpâturage favorisent une érosion massive au sein de terres fertiles, comme celles-ci situées à Chefchaouen (N. du Maroc). Ce n’est qu’en réglementant ces pratiques afin de les rendre durables et en procédant à une reforestation immédiate avec des espèces autochtones qu’il sera possible d’éviter une aggravation des dommages. Jesús Charco.

Être autochtone du Maroc n’implique pas de l’être de toutes les zones du Maroc. Une mauvaise compréhension de ce principe conduit fréquemment les administrations, entreprises, ONG et pépinières à proposer des plantes comme autochtones tout en sachant qu’elles vont être plantées dans des zones où elles ne le sont pas. Si le N. de l’Afrique s’avère complexe du point de vue biogéographique, cela ne constitue pas un problème : c’est grâce à cette complexité et à la diversité de ses sols, climats et microclimats, qu’il héberge une biodiversité extraordinaire. Il convient de la connaître, de la respecter, et de ne pas la dénaturer en plantant n’importe quelle espèce à n’importe quel endroit.

La préservation du génome des plantes revêt une importance fondamentale pour l’avenir. C’est pour cela qu’il est si important de connaître la provenance des graines. Dans une région comme le N. de l’Afrique, dotée d’une telle diversité génétique, les graines forestières ne devraient être semées que dans la zone de laquelle elles proviennent. Si une plantation veut être réalisée sur un terrain donné et qu’il n’existe pas de graines ou de plantules en provenant sur le marché, la meilleure solution est de collecter des graines directement des arbres ou arbustes autochtones de la zone destinée à être plantée.

La procédure de plantation est simple, mais pas toujours respectée, ce qui rend les échecs et les pertes inutiles de ressources associées assez fréquents. Tout commence avec le choix de l’époque la plus adéquate : généralement fin de l’automne et début de l’hiver (lorsque débute la saison fraîche et humide) dans l’aire méditerranéenne, également au début de la saison des pluies (début de l’été) au Sahel, et à toute époque de l’année dans le Sahara continental, intérieur, surtout lorsque des précipitations sont attendues.

Il convient de privilégier les trous (réalisés manuellement ou avec appui mécanique) aux fossés rectilignes creusés par des tracteurs, car cette pratique détruit bonne part de la végétation autochtone (si présente), déstructure les sols et entraîne une artificialisation du paysage.

Planter les jeunes arbres de 1 à 2 ans entre arbustes épineux peut paraître une bonne idée afin de protéger les jeunes plants de la sécheresse et des herbivores, mais ils entreront rapidement en compétition avec l’espèce nurse, et une des espèces finira par dominer l’autre. Il est donc préférable de les planter dans un endroit exempt de plantes ligneuses, afin que les racines se développent sans compétition pour les nutriments. Avec les ans, les racines des unes et des autres finissent par se communiquer entre elles, par établir des relations bénéfiques pour bon nombre d’entre elles ainsi que pour la formation et le maintien du sol.

Pour les protéger le cas échéant de l’ensoleillement et des herbivores, il est préférable de mettre en place des tubes de protection opaques (pas de mailles) faits maison ou achetés, ces derniers étant très bon marchés en grande quantité. Les tubes doivent avoir un diamètre de 10-15 cm et une hauteur de 70-80 cm, soit environ 10 cm enterrés et 50-60 cm au-dessus du sol. Outre la protection citée, ces tubes présentent deux grands avantages : ils permettent d’une part d’optimiser l’eau lors de l’irrigation, le tube en retenant presque l’intégralité pour la plante, et à la plante de pousser plus rapidement en hauteur d’autre part, la croissance opérant principalement vers le haut, en recherche de lumière en raison de l’opacité du tube.

Une fois les jeunes arbres plantés en trous dispersés sur le terrain et les tubes de protection en place, il convient de leur appliquer une irrigation de soutien au début de la saison sèche (pour les aider à la surmonter) et une autre à la fin de cette même saison (en cas de retard des pluies), au moins les deux premières années, jusqu’à ce que le plant soit bien enraciné sur le terrain.

Après 1-3 années, la cime du plant dépasse du tube : pour éviter qu’il ne soit abrouti par les herbivores (sauvages et domestiques), ce qui stopperait sa croissance rapide en hauteur, il convient de remplacer le tube par un autre de plus grande dimension (environ 30 × 130 cm), enterré d’environ 20 cm dans le sol. Ce remplacement permet de maintenir le niveau de protection initial et d’assurer une croissance rapide et sûre. Une fois âgé de 4-6 ans, lorsque la cime dépasse largement du second tube, ce dernier peut être retiré : le jeune arbre est bien enraciné et l’écorce du tronc endurcie, le protégeant des petits herbivores. Il convient de maintenir les grands herbivores à distance encore quelques années, jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus atteindre les parties médianes et supérieures du houppier.

Il existe bien entendu d’autres techniques de semi et/ou de plantation ; celles décrites ici respectent cependant à 100 % le milieu naturel et présentent un bon rapport entre les coûts et la probabilité de succès de la future forêt. Ces activités peuvent être réalisées avec à grand renfort de financements, moyens logistiques et autres, ou avec moins de ressources mais beaucoup d’enthousiasme, par les communautés locales, les enfants d’une école, les associations de tout type, etc.

Toutefois, le plus important n’est pas de planter des arbres pour améliorer l’environnement (bien qu’il s’agisse là d’une tâche positive), mais bien de conserver et de permettre que la végétation naturelle se développe librement. Pour restaurer les forêts, le mieux est parfois d’abandonner toute intervention sur le terrain, à exception bien entendu de l’éradication des espèces exotiques. La forêt, libérée des gestions assurées par l’homme, et surtout du pastoralisme, a tendance à bien se récupérer, même si ce processus prend du temps. Dans las zones méditerranéennes il est possible de garantir une restauration rapide et efficace de la forêt en mettant simplement en place des clôtures de protection et s’il y a des arbres semenciers sur le site ou à proximité. Bien que moins rapide et patente, cette stratégie simple donne également de très bons résultats dans les zones sahariennes et sahéliennes.

Conservación y Restauración de Hábitats Naturales

Bosques Mediterráneos Norte de África

Une grande partie des forêts méditerranéennes du N. de l’Afrique sont en train de disparaître. Et cela non pas à cause des coupes ou des incendies, mais en raison de son vieillissement, de la mortalité causée par l’érosion et le desséchement des sols, ainsi que de la mutilation des arbres qui réduit leur durée de vie. L’origine de ces phénomènes réside principalement dans l’élevage. Cédraies en voie de disparation : en haut en Algérie (Khellaf Rebbas) et en bas au Maroc (Abdelmonaim H. Bakali).

En marge de l’invasion croissante des espèces exotiques, le surpâturage, quel qu’en soit la forme, constitue la principale menace pour la conservation de la plupart des écosystèmes terrestres du N. de l’Afrique.

Interrogés au sujet des problèmes auxquels font face les plantes autochtones, presque tous les experts du N. de l’Afrique citent en premier lieu le surpâturage. Et lorsque que ce n’est pas le cas, tous reconnaissent après un moment de réflexion qu’il s’agit du problème principal. C’est un fait reconnu depuis plus d’un siècle, alors que les statistiques montrent que les cheptels, et donc le désert, se développent de manière continue dans les pays du N. de l’Afrique.

José Antonio Bañuelos

José Antonio Bañuelos


Rebaño

José Antonio Bañuelos


Camellos

Jesús Charco

En réalité, le nombre de têtes de bétail peut ne pas sembler excessif à première vue, mais compte tenu de l’appauvrissement croissant des sols, de la sécheresse et de l’élimination progressive de la végétation naturelle, toute pression de l’élevage quelle qu’elle soit peut s’avérer excessive dans la plupart du territoire. La majeure partie des sols non urbains ou agricoles des zones de plaine requièrent une protection urgente contre le surpâturage et la désertification. Cela a été dit à maintes reprises dans le cadre de forums locaux, nationaux et internationaux. De vastes zones (des centaines de milliers d’hectares, en particulier le long des cours d’eau et sur les versants des collines et montagnes) devraient être préservées du pâturage pendant au moins 30 ans. Plus tard, lorsque la partie inférieure du houppier des arbres aura largement dépassé 2 m de haut, elles pourraient à nouveau être ouvertes à un pastoralisme bien régulé, durable, offrant des pâturages excellents là où, 30 ou 40 ans plus tôt, tout n’était que pierres, terre et poussière.

Regeneración del Arbolado

Une interdiction du pâturage permettrait d’obtenir une récupération spectaculaire des surfaces boisées dans de grandes régions méditerranéennes et du Sahel. Il est donc important de planter des arbres autochtones, mais encore plus de faciliter la récupération naturelle des forêts. Sur la photographie, forêt mixte de cèdres et chênes verts en pleine récupération après avoir été protégée du pâturage. Maroc. Joaquín Molero.


Renegeración del Arbolado en el Sahara

Suite à l’interruption du surpâturage, la régénération naturelle des arbres, en présence d’arbres adultes à proximité, se réalise relativement bien même dans le Sahara. Au premier plan, un jeune acacia (Vachellia tortlis) d’environ 10 cm, se dresse pour se convertir en un grand arbre, refuge de faune, créateur et protecteur du sol et de l’humidité. Cependant, si des mesures ne sont pas prises pour le protéger, ses épines ne le sauveront pas du surpâturage des chèvres et des chameaux, il ne pourra pas grandir et, très probablement, il disparaîtra avant d’atteindre 1 m de hauteur. S.-E. de l’Égypte. Jesús Charco.

Pour conserver et restaurer la biodiversité en Afrique du Nord et dans le reste du monde, notamment la biodiversité végétale (base des écosystèmes), la société doit comprendre que protéger ce qui reste de forêts, de buissons et de savanes, éradiquer le surpâturage et les espèces exotiques, est plus important que planter des arbres.

Ainsi, pour freiner la perte de biodiversité ainsi que l’érosion et la désertification croissantes dans le N. de l’Afrique, il convient idéalement de combiner les trois pratiques suivantes :

  1. Réduction drastique de la pression de l’élevage sur le milieu naturel. Et cela de manière définitive, ou du moins en délimitant de nombreuses zones de grandes surfaces, éparses, jusqu’à ce que la forêt ou la savane se récupère (30-40 ans) avant leur réouverture à un élevage durable.
  2. Développer des plantations massives et mixtes d’arbres autochtones, bien planifiées, recréant au maximum la forêt ancienne, non alignées, avec des tubes protecteurs opaques et avec une irrigation de soutien au moins pendant les saisons sèches des 2 premières années. Ou avec d’autres techniques respectueuses de l’environnement d’efficacité égale ou supérieure.
  3. Éradication des espèces exotiques et envahissantes, sources d’important dommages passés (et futurs si des mesures ne sont pas prises) à l’économie et à l’extraordinaire biodiversité africaine.

En ce qui se réfère à la conception de parcs, avenues, jardins, ronds-points, etc. avec des espèces autochtones, le choix offert par les espèces locales est encore plus large. Il est ainsi possible, avec un peu d’imagination, de créer des espaces d’une grande beauté, riches d’une multitude de formes, couleurs et parfums. Et tout cela avec l’avantage supplémentaire de pouvoir servir de jardins botaniques pour l’éducation environnementale.

Certaines plantations ont pour objectif une exploitation intensive du bois, rentable, avec des espèces autochtones ou allochtones, en évitant qu’elles ne s’étendent spontanément, et cela s’avère compréhensible : nous consommons tous du bois et du papier ; il s’agit cependant là de cultures de bois et non de forêts. Néanmoins, étant donné que l’exploitation du bois des forêts naturelles du N. de l’Afrique n’est que peu ou pas rentable dans la majeure partie du territoire, il s’avère davantage souhaitable et rentable de consacrer ces forêts à d’autres usages, de manière à ce que leur récupération puisse bénéficier à la société, avec des productions forestières durables, non agressives, telles que l’extraction de liège et d’autres produits non ligneux, l’apiculture, le tourisme, la rétention des sols et de l’humidité (la plus importante du point de vue économique), la séquestration du CO2, etc.

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