La protection des espèces menacées

Au milieu du XXe siècle, l’humanité prend de plus en plus conscience de son impact sur la biodiversité de la planète, étant responsable directement ou indirectement de la disparition d’un grand nombre d’espèces. Diverses organisations régionales, nationales et internationales créent des listes rouges d’espèces menacées, ainsi que des lois et des décrets pour les protéger d’un point de vue juridique.

Parmi les listes mentionnées s’illustre celle de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il s’agit d’une organisation qui agroupe plus de 200 États et agences gouvernementales, plus de 1100 ONG et plus de 10 000 experts qui évaluent l’état des ressources naturelles. Ainsi, un mode d’évaluation et de catalogage des espèces a été normalisé, aujourd’hui utilisé par presque tous les pays et scientifiques du monde pour la prise de mesures de protection adéquates. Il s’agit de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées https://www.iucnredlist.org/fr/.

Les catégories établies par l’UICN pour évaluer l’état de conservation des espèces.

Il existe d’autre part une Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Il s’agit d’un accord international qui vise à garantir que le commerce international d’espèces animales et végétales sauvages (l’une des principales menaces pour de nombreuses espèces) ne contribue pas à leur extinction. Actuellement, 183 pays et organisations régionales d’intégration économique font partie de cette convention. https://cites.org/fra

Les pays qui font partie de ces institutions se sont engagés à sauvegarder leurs espèces menacées par le biais de lois et d’autres activités de protection. Dans le nord de l’Afrique, qui héberge une biodiversité importante et précieuse, la législation à cet égard n’est actuellement pas uniforme, avec de grandes différences entre les pays.

Au Maroc, il existe depuis plus d’un siècle une législation en matière de protection, comme par exemple le Dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts, modifié par la suite (1953, 1959 ou 1991). De plus, le Dahir du 4 mars 1925 sur la protection et la délimitation des forêts d’arganiers a été publié afin de mieux l’adapter à la gestion et à la conservation des masses d’arganiers. Dans les années suivantes, cette loi a été modifiée avec des textes résumés à posteriori dans le Dahir du 28 mars 1951.

La participation sociale à la gestion forestière a été établie à travers le Dahir du 20 Septembre 1976 portant loi n° 1-76-350 relatif à l’organisation de la participation des populations au développement de l’économie forestière. La protection des forêts a toujours été une préoccupation majeure au Maroc, le désert progressant inlassablement vers le nord. Ainsi, en marge des normes déjà établies, l’Arrêté du 21 mars 2002 fixant les limites, conditions et modalités de demande et d’octroi de la compensation pour mises en défens du domaine forestier à exploiter ou à régénérer. Plus tard, le Dahir du 12 mai 2003 a permis d’établir les normes de base pour la protection et la mise en valeur de l’environnement.

En 2011, la loi 29-05 relative à la protection des espèces de faune et de flore sauvages et au contrôle de leur commerce a été approuvée. Son décret d’application est apparu en 2015, avec une brève liste complémentaire d’espèces non couvertes par la CITES, comme le sapin du Maroc (Abies maroccana) ou l’if (Taxus baccata). Concernant les listes rouges, notre collaborateur, Mohamed Fennane (avec la collaboration de Ibn Tattou, M. & El Oualidi, J.), de l’Institut Scientifique de Rabat, vient de publier (2021) le Livre rouge de la flore vasculaire du Maroc.

Pour sa part, l’Algérie dispose également d’un corpus législatif relativement avancé pour la protection de la nature. Elle dispose d’une loi intéressante (du 19 juillet 2003), relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable.

Par ailleurs, par le décret exécutif 12-03 du 4 janvier 2012, elle a établi sa liste des espèces végétales sauvages protégées (non cultivées), qui abroge les dispositions du précédent décret similaire du 23 novembre 1993. Les critères de sélection des espèces à protéger sont significatifs : celles qui sont menacées d’extinction et celles qui ont un intérêt dans les domaines de la génétique, de la médecine, de l’agronomie, de l’économie, de la culture et de la science en générale. Au total, une liste de 27 pages qui comprend des cryptogames, des gymnospermes et des angiospermes protégés.

La destruction, l’abattage, la mutilation, l’arrachage, la récolte des plantes, de leur fructification ou de tout autre élément de l’espèce, le transport, l’utilisation, la possession, l’achat et la vente sont interdits dans toute l’Algérie. Pour celles qui présentent un intérêt scientifique et/ou socio-économique élevé, des autorisations de collecte conjointes peuvent être délivrées par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture.

Le gouvernement tunisien dispose d’un code forestier complet datant de 1966, consolidé en 1988 et doté de plusieurs modifications ultérieures, telles que celles de 2001 et 2005. Plus tard, le 19 juillet 2006, a été publié un arrêté du ministre de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques destiné à faciliter la protection de ses espèces les plus menacées et comprenant une liste des espèces rares de la faune et de la flore sauvages menacées d’extinction.

En Libye, la protection de l’environnement est assujettie à la loi n° 7/1982. Cependant, comme la protection de la végétation naturelle en général et des forêts en particulier a toujours constitué une préoccupation majeure, le pays disposait déjà d’une législation forte 30 ans plus tôt. Ainsi, au milieu du XXe siècle, la loi n° 25/1950 sur la protection des forêts a été approuvée. 6 ans plus tard, la loi n° 12/1956 sur la gestion forestière. Dans les années 1970, la loi n° 47/1971 sur la protection des forêts et des pâturages a été publiée et, dans la décennie suivante, ce fut le tour de la loi n° 5/1982 sur la protection des forêts et des pâturages, modifiée par la loi n° 14/1992. En plus de cette législation, la Libye possède de nombreux parcs nationaux et réserves naturelles, dans de nombreux cas destinés à protéger ses précieuses forêts.

Au cours des dernières décennies, plusieurs listes de la flore libyenne ont été publiées, tant au niveau régional que national, mais une Liste rouge des espèces menacées se fait encore attendre.

En Égypte, la loi environnementale 4/1994 et ses règlements d’application approuvés par le décret 388/1995 constituent le cadre législatif de la protection de l’environnement dans le pays et prévoient l’interdiction de chasser certaines espèces de la faune.

Concernant l’évaluation de l’état de conservation de la flore égyptienne, El Hadidi, Batanouny & Fahmy ont publié en 1991 le livre rouge des arbres et arbustes égyptiens : The Egyptian plant red data book. Volume 1, contenant 226 pages. Un an plus tard, il a été complété par The Plant Red Data Book of Egypt. En 2000, El Hadidi & Hosni l’ont publié sous forme de liste dans le Vol. 1 de Flora Aegyptiaca. Plus récemment, Bedair (2020), dans sa thèse, actualise ces évaluations pour les 214 espèces d’arbres et d’arbustes autochtones d’Égypte. En 2021, El Khalafy, Shaltout & Ahmed mettent à jour et évaluent l’état de conservation des plantes endémiques de la flore égyptienne. En 2023 Shaltout & Bedair mettent à jour la liste rouge des arbustes et petits arbresd’Egypte.

Parmi les autres pays du nord de l’Afrique qui ont adopté des mesures spécifiques en légiférant et en dressant des listes d’espèces végétales menacées et/ou protégées, il convient de citer la République du Mali et son décret 07-155/P-RM du 10 mai 2007. Ce décret réglemente les autorisations d’utilisation d’une série de plantes sauvages non incluses dans les annexes de la CITES.

Menu